Chapitre 1 : (début)
- Marre, marre, marre, marre…. MARRE, MARRE, MARRE !!!!
Renversé dans ma chaise de bureau, la tête à l'envers, j'essaye d'évacuer ma frustration en hurlant. Seul chez moi, je sais que je ne vais pas déranger grand monde, sauf peut être Bubulle, le poisson de ma sœur. Et ma voix fluette ne porte pas suffisamment pour que nos voisins de palier m'entendent. Donc je continu à m'égosiller, pour me défaire de cette impression de décalage. Ça fait quelques jours que je me sens mal, comme si je n'étais pas vraiment là, plutôt sur une autre planête. Impossible dans ses conditions là de se concentrer. Et même si je suis un élève discret, au bout de trois oublis de livre et de cinq travaux non fait, ma prof d'histoire a été obligé de me coller. J'ai cru que j'allais mourir de honte. Je déteste qu'on s'intéresse à moi. Et elle m'a demandé mon carnet pendant le cours, provocant des réactions plus ou moins étonnées de la part de mes camarades de classe. Je déteste provoquer des réactions étonnées.
Je m'essaye donc au hurlement libérateur pour la première fois de ma vie. Ma voix résonne étrangement à mes oreilles. Sûrement parce que je n'ai pas l'habitude de crier. Le souffle court, je prend une grande inspiration et….
- Ael ? T'es là ?
Uriel. Ma petite sœur de dix ans.
- Aeeeel…..
La porte de ma chambre s'ouvre brusquement.
- Tu peux pas répondre quand je t'appelle ?
Muet, je sors un livre au hasard et me plonge dedans. Ma sœur fait beaucoup trop de bruit pour moi, sa présence me pèse énormément. Et nos différences ne s'arrêtent pas au caractère. Uriel est brune aux yeux noirs. Je suis blond, presque décoloré, avec les yeux bleus. Son regard est presque dérangeant, avais-je déjà entendu dans la bouche de ma tante, qui discutait avec ma mère, qui avait acquiescé, gênée.
- Ael, je te parle !
Je lève les yeux vers ma sœur.
- Mmm...
- Je te disais que maman rentre tard ce soir, et que c'est toi qui doit préparer à manger.
Je hoche la tête, pressé de la voir partir.
- Bon, je vais faire mes devoirs. Oublie pas, hein ?
Elle sort presque en courant, sans me laisser le temps de marmonner un “oui” inaudible. Je pose mon livre et me traîne jusqu'à mon lit. Une fois allongé, je ferme les yeux et m'endort rapidement.